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Comme toute culture, le numérique implique une grande ambivalence ; il ne cesse de s'imposer avec sa marchandisation galopante, ses bulles spéculatives, ses modèles monopolistiques, ses inexorables capitalisations boursières.Mais, par ailleurs, il représente un pouvoir accru de l'individu, une culture participative, un idéal d'ouverture, où chacun peut apporter à l'autre sa contribution au bien collectif et à la gestion collective de ce bien.
Cardon s'emploie admirablement à évoquer cette ambivalence et à relativiser, en ne jetant jamais le bébé avec l'eau du bain, comme toute une littérature catastrophiste dissertant du numérique a aujourd'hui tendance à le faire.
S'il est évident que les GAFA se plaisent à occuper la position dominante que l'on connaît en mettant notamment à profit le traçage des internautes, la manipulation des algorithmes, l'exploitation des données, s'ils nous donnent l'impression d'être devenus les passages obligés de nos choix, il importe aussi de se souvenir des origines hippies de la culture numérique.
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Pour rappel, ces origines préconisaient bien, pour ce qui allait devenir le réseau des réseaux, un idéal libertaire, une culture ouverte, un écosystème dont la devise était : « Changer la société sans prendre le pouvoir ». Les concepts de coopération, d'échange, d'intelligence collective, avaient effectivement comme seule ambition de développer et de gérer un bien commun. Et les exemples de cette volonté première sont toujours aussi nombreux aujourd'hui que significatifs. Ils vont de la mise en œuvre du lien hypertexte au logiciel libre et à l'open source, en passant par cette expérience exceptionnelle qu'est Wikipedia et par une forme d'auto-régulation spécifique du Net.
S'il est évident que les GAFA se plaisent à occuper la position dominante que l'on connaît en mettant notamment à profit le traçage des internautes, la manipulation des algorithmes, l'exploitation des données, s'ils nous donnent l'impression d'être devenus les passages obligés de nos choix, il importe aussi de se souvenir des origines hippies de la culture numérique. Pour rappel, ces origines préconisaient bien, pour ce qui allait devenir le réseau des réseaux, un idéal libertaire, une culture ouverte, un écosystème dont la devise était : « Changer la société sans prendre le pouvoir » . Les concepts de coopération, d'échange, d'intelligence collective, avaient effectivement comme seule ambition de développer et de gérer un bien commun. Et les exemples de cette volonté première sont toujours aussi nombreux aujourd'hui que significatifs. Ils vont de la mise en œuvre du lien hypertexte au logiciel libre et à l'open source, en passant par cette expérience exceptionnelle qu'est Wikipedia et par une forme d'auto-régulation spécifique du Net.
La naissance d'une nouvelle sociabilité sur le Web est à l'image de cette ambivalence du numérique et des ambiguïtés qu'il génère, ne cesse de démultiplier et d'amplifier. Prendre la parole sur le Web est un fondamental de la culture participative, visant prioritairement à partager nos passions, nos goûts, nos choix. Cette participation aux réseaux sociaux en ligne implique une démocratisation de l'accès à la parole, l'exploration de nouveaux marqueurs, l'émergence de nouvelles pratiques langagières, mais également un espace virtuel qui devient une forme de prolongement de l'individu souhaitant voir et surtout être vu. Ainsi, le meilleur peut, une nouvelle fois, côtoyer le pire. L'intimité se partage, des masques se façonnent, les frontières entre privé et public deviennent de plus en plus floues. L'absence assez illusoire de lois, les profils masqués et autres pseudos, la volonté de diffusion instantanée et répétitive, la viralité, sont autant d'éléments qui viennent brouiller les pistes et conduisent éventuellement au harcèlement, comme ils pourront aboutir, dans d'autres circonstances, à une information inconsciemment tronquée, voire à la désinformation volontaire. En bref, ce système conversationnel inhérent aux pratiques numériques peut soit nous ouvrir à autrui, au partage et à l'échange, soit nous enfermer dans des biais cognitifs ou dans une bulle nous coupant des réalités de l'expression et de la communication.
Ajoutons à tout ceci une dérégulation de l'espace public, et surtout médiatique, d'où ont disparu toute hiérarchisation de l'info et tout agenda informationnel.
Alors, oui, le bilan est loin d'être rose, les pionniers du Net ont raison de se dire trahis par l'évolution de ce qu'ils avaient contribué à créer dans les années 90. Il est néanmoins essentiel, pour notre épanouissement à tous, de transformer notre angoisse devant certaines dérives en une volonté de résistance et d'engagement, ne serait-ce que pour donner sens à ce qui est, dès à présent, notre avenir. Il ne s'agit plus ici d'une simple auto-défense intellectuelle mais d'un ensemble d'apprentissages sociétaux.
Et nous voulons terminer par une citation de Cardon, que nous évoquions au début de cet édito, une citation riche en perspective : « Le web se ferme par le haut, mais toute son histoire montre qu'il s'imagine par le bas ». C'est là qu'il importe que nous nous trouvions aujourd'hui.
Michel Clarembeaux Retour au sommaire
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