CAVL Lettre d'info n°52
Lettre d'info n°52 Novembre 2018 |
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Centre Audiovisuel Liège asbl |
Editorial - Contenu du webdocumentaire "Regards sur le documentaire" - Comment accéder au webdocumentaire Si le contenu ne s'affiche pas correctement, cliquez ici Notre recherche-publication « Regards documentaires » est mise en ligne... Rappelons qu'il s'agit d'un webdocumentaire qui poursuit trois objectifs. Le premier consiste à proposer aux enseignants le documentaire comme un matériau pédagogique à part entière au même titre que les ressources labellisées comme telles. En fait, peu de collègues font appel au documentaire, en tout ou en partie, que ce soit dans une optique informative, illustrative, ou pour déclencher un débat dans leur classe. Et cependant, beaucoup de documentaires actuellement disponibles peuvent devenir de remarquables outils didactiques pour accrocher l'attention, susciter la réflexion, nourrir un engagement. |
La Fédération Wallonie-Bruxelles a multiplié récemment les efforts pour faciliter l'accès à ce type de production cinématographique. Il y a tout d'abord Laplateforme.be avec son catalogue de films documentaires belges produits de 1990 à aujourd'hui, une plateforme vidéo exclusivement réservée aux opérateurs culturels et aux enseignants. Le dispositif permet de diffuser gratuitement et en streaming les films en haute définition dans le cadre d'activités scolaires en classe. L'initiative s'accompagne de dossiers pédagogiques, de propositions thématiques avec un travail éditorial en lien avec l'actualité. Il y a aussi la Cinémathèque de la Fédération qui, en complément de ses deux ouvrages remarquables Mémoires du Monde (2011) et Regards sur le réel (2013), met ses collections de films belges et autres à disposition des collègues.
Il nous semblait important de convaincre ceux-ci de l'intérêt de telles offres mais, en même temps, de les mettre en garde contre certains préjugés qui les poussent à croire que le documentaire est neutre et « objectif » par rapport à son sujet. Non, le documentaire n'est pas la reproduction de la réalité ; non, il n'échappe pas à tel critère esthétique, à telle contrainte technique, à tel engagement idéologique ou à tel contexte sociopolitique. Il est donc essentiel que nos collègues n'oublient pas que le documentaire est, lui aussi, porteur d'un point de vue d'auteur et d'impératifs de production, qui vont conditionner écriture, tournage et montage. Notre travail dans « Regards documentaires » vise donc tout à la fois à une invitation à faire appel au documentaire et à une mise en garde à propos de contingences qui pourraient en hypothéquer l'exploitation pédagogique.
Mais il y avait aussi deux autres objectifs à notre entreprise collaborative. Ceux-ci nous concernent plus directement mais ne sont pas moins importants. Une recherche-publication comme celle-ci a généré au sein de notre petite équipe une coopération très bénéfique, chaque contributeur a participé ainsi à une action commune d'éducation aux médias, à un questionnement collectif, tout en préservant sa sensibilité personnelle et sa démarche méthodologique propre.
Enfin, et c'est là le troisième objectif, nous avons ainsi été tous confrontés à ce média qu'est le webdocumentaire et à ses critères de fluidité dans sa formulation et dans la navigation qui en résulte. Un premier apprentissage pour certains, pour moi en tout cas, avec une guidance de qualité, celle de notre collègue Thomas qui a piloté l'expérience, qui a veillé à l'architecture du produit et nous a conseillés dans notre écriture ainsi que dans les étapes de notre progression.
Le webdocumentaire est accompagné d'un ouvrage écrit d'une centaine de pages qui explicite le choix des extraits retenus pour chacune des thématiques abordées. Celles-ci sont : l'immersion dans l'espace intime par la caméra portée, la prégnance du récit tantôt éclaté tantôt métaphorique, la question du son synchrone et du commentaire en voix off, les images d'archives et leur « témoignage » souvent ambigu, la perception de l'art par le documentaire, une perception pas toujours dépourvue de dramatisation, de « performance » ou d'un point de vue politique, et enfin le monde paysan vu par le documentaire, où l'on oscille entre symbiose avec la terre, dénonciation socio-politique et analyse du geste professionnel.
Il s'agit, on le voit, de six parcours thématiques qui, bien que contrastés en apparence, finissent par se croiser et se recouper ; six parcours qui invitent à une réflexion sur le point de vue adopté par les auteurs et sur les représentations induites, six parcours réclamant la rigueur du regard et de l'analyse.
Merci, en tout cas, à Thomas, Isabelle, Linda et Marc pour avoir accepté de partager cette aventure qui, en outre, a renvoyé certains d'entre nous à leurs premières amours... Et tout ceci en plein Mois du Doc ! Michel Clarembeaux
Contenu de « Regards documentaires »
Voici un bref aperçu du contenu de « Regards documentaires » et de ses six volets.
Le fil narratif choisi par un auteur de documentaire fait l'objet d'une autre approche. Dans quelle mesure ce fil ne trahit-il pas le réel filmé ? Des extraits de Toute la mémoire du monde (A. Resnais, 1956), de L'île aux fleurs (J. Furtado, 1989) et de Nostalgie de la lumière (P. Guzmán, 2010) évoquent cette notion de « fidélité » ou de soumission à la réalité, en se jouant notamment des temporalités pour donner une toute autre dimension à l'objet filmé.
Pendant longtemps, le commentaire en voix off a dominé la bande son comme s'il s'agissait de la voix de Dieu qui impose le propos, renforcé encore par l'image dont la lecture est ainsi « conditionnée ». L'analyse des quatre extraits de Sachez reconnaître votre ennemi : le Japon (de F. Capra et J. Ivens, 1945) est sur ce plan très significative, tout comme le détournement des images ; on est bien ici dans un docu de propagande... Mais la voix off subsiste dans pas mal de reportages TV, où elle s'impose aussi comme la voix de la connaissance et nous force, qu'on le veuille ou non, à réinterpréter l'image. La voix off, cependant, peut aussi devenir celle d'un témoin privilégié, subjectif par définition, auteur d'un discours et d'une expérience éminemment personnels. L'exemple choisi ici est Nuit et brouillard (A. Resnais, 1956).
Des dispositifs sonores font aussi l'objet d'expérimentation avec le concept de cinéma-vérité d'Edgar Morin (1960). Ce sera Moi, un Noir de Jean Rouch en 1958 ou encore Chronique d'un été (Rouch et Morin, 1961), la parole y est accordée aux protagonistes et ancre le film dans la réalité, on rejoint ici la recherche d'un Leacock ou d'un Ruspoli évoqués précédemment. L’avènement du son synchrone en sera l'aboutissement. C'est bien ici la « transparence » du réel.
Les documentaires sur le monde paysan comme ceux d'André Villers, Henri Storck, Charles Dekeukeleire, Manu Bonmariage ou Jean-Jacques Andrien ne sont-ils pas eux aussi des points de vue sur la condition des agriculteurs dans un contexte sociétal ou économique donné? Symbiose avec la nature, transmission du geste professionnel, révolte devant la condition paysanne, doivent également aboutir à une analyse rigoureuse des images, des conditions de production, des représentations voulues par l'auteur. Chaque extrait devient un texte médiatique complexe où les axes informationnel, communicationnel et social doivent s'étudier selon les préceptes de l'éducation aux médias.
Dernière thématique traitée : les images d'archives dans le documentaire. Et l'on devine aisément que la contextualisation et, une nouvelle fois, le point de vue de l'auteur seront les deux passages obligés de l'analyse, puisque les images du passé sont devenues, selon Georges Steiner, plus importantes que le passé lui-même. Rien n'est neutre, en dépit des apparences. La mémoire se construit aujourd'hui au départ du flux d'images professionnelles ou autres et les « films de montage » se multiplient. L'image y est une trace certes, mais elle est surtout un regard porté sur les faits, un regard qui les interprète et ne se contente pas de les illustrer. Un exemple parmi beaucoup d'autres nous est proposé : Le fond de l'air est rouge de Chris Marker (1977), les images y dépassent leur simple fonction illustrative, elles témoignent bien d'un regard, d'une réflexion, d'une volonté militante, d'un engagement. Les deux derniers extraits proviennent de Farenheit 9/11 (M. Moore, 2004), ne reculant pas, quant à eux, devant l'emploi de procédés fictionnels pour accentuer ce réquisitoire cinglant contre Georges W. Bush. On voit aussi clairement comment le montage peut infléchir l'argumentation.
Tout ceci tend à nous prouver que le documentaire peut être un formidable auxiliaire d'enseignement qui nous invite à sortir des sentiers battus d'une certaine uniformité pédagogique... M. Cl.
Accéder au contenu du webdocumentaire Lien : www.cavliege.be/regardsdocumentaires Le contenu étant accessible uniquement aux enseignants et à leurs étudiants, il est nécessaire de demander un accès. Lors de votre première visite, cliquez d'abord sur "demander un accès". Remplissez ensuite les champs demandés et confirmez la demande afin de finaliser le processus. Un mail de confirmation vous sera envoyé : il suffira alors de cliquer sur le lien pour confirmer votre adresse mail et pouvoir vous identifier pour accéder au webdocumentaire.
________________________________________________________________ Les abstracts des ouvrages récents consacrés aux médias vous seront présentés dans notre prochaine Lettre d'Info. Les inscriptions à notre Concours Vidéo 2019 se clôturent. Nous avons enregistré une cinquantaine de projets, de quoi faire de cette quatorzième édition une récolte aussi fructueuse que celle des années antérieures.
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