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Les espaces explorés par l'EAM sont vastes et n'ont cessé de s'agrandir avec la révolution numérique que nous vivons au quotidien. Les médias que nous connaissions à la fin du 20ème siècle existent toujours, mais n'ont cessé de se démultiplier. Les nouvelles perspectives s'ouvrent à l'infini, le malaise se démultiplie parfois tout autant. En moins de vingt ans, notre environnement médiatique s'est totalement transformé avec l'hyperconnectivité, la fragmentation des publics, les réseaux sociaux, la recherche de nouveaux modèles économiques, le renforcement de la fracture numérique dans les usages, la désinformation, la standardisation des contenus, ... Arrêtons là cette liste des « avancées technologiques », des mutations et défis qui en découlent.
Les enjeux de l'EAM n'ont pas été pour autant balayés. La pertinence de ses objectifs est plus que jamais d'actualité. Mais parallèlement, la diversité des missions imposées à l'EAM et la mise en œuvre de nouveaux apprentissages se sont accrus de manière exponentielle.
Cependant, l'évolution de notre environnement médiatique n'est pas le seul élément à prendre en compte ... Il est clair que l'EAM a toujours suscité beaucoup de confusion. On l'a ainsi trop souvent assimilée à la seule maîtrise technique de l'outil plus qu'à un savoir ou à un savoir-être. Conséquence, on n'a pas toujours su ou voulu éviter les dérives technicistes. On a aussi trop souvent confondu EAM et éducation par les médias, réduisant alors l'objet d'analyse ou d'expression à un simple auxiliaire d'apprentissage. L'hybridation des médias a ajouté, elle aussi, à la confusion, de sorte que l'EAM est devenue pour beaucoup une nébuleuse ou une abstraction.
Il est clair aussi que l'on n'a pas toujours mesuré l'énorme disparité qui existe en EAM entre les pratiques, les applications, les expertises, et surtout les moyens mis en œuvre. Dans ce domaine, par exemple, les centres de ressources en EAM continuent à (essayer de) travailler avec la même subvention qu'il y a 25 ans. L'aide reçue par l'EAM ne correspond même plus à un euro par citoyen... Fort peu quand on pense au rôle qu'elle joue dans toute société démocratique ! Disparité, encore et surtout, quand on analyse les modalités de formation initiale et continuée des enseignants en la matière.
Enfin, on ne s'est jamais vraiment risqué à une évaluation de la situation, une évaluation scientifique qui se focaliserait sur l'intégration de l'EAM dans les activités d'apprentissage. Cette intégration varie, en fait, de zéro à l'infini, selon le réseau, le pouvoir organisateur, l'école, l'enseignant, ou l’association qui est à la manœuvre.
Précisons aussi que l'EAM ne peut plus se limiter aux seuls secteurs scolaire et associatif, mais qu'il est urgent quelle s'applique à l'ensemble de la société. C'était d'ailleurs l'un des objectifs de la « Déclaration de Bruxelles pour une éducation aux médias tout au long de la vie » (janvier 2011). Un texte ambitieux et engagé, qui préconisait l'accès de tout citoyen à l'EAM. La déclaration suscita à l'époque une série d'adhésions du monde politique et pédagogique. C'était beau à voir !, « un geste fort » pour un statut sociétal de l'EAM. Mais aucune évaluation n'eut jamais lieu. On peut aisément imaginer qu'elle aurait mis en évidence la frilosité de la plupart. Or, comme le rappelait Jacques Gonet, le « père » de l'EAM en Europe, l'EAM est « politique », au sens le plus noble du terme. Enjeu politique, c'est bien une éducation qui est un prérequis à l’épanouissement de toute société démocratique, de toute responsabilité citoyenne. Il semble que beaucoup de décideurs, après avoir clamé haut et fort leur adhésion inconditionnelle à cette « nécessité », l'aient très vite oubliée.
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Ce 25ème anniversaire en demi-teintes devrait, en tout cas nous inciter à faire un certain nombre de constats. L'un d'entre eux est la nécessité de se recentrer sur les « fondamentaux » de l'EAM. Parmi ceux-ci, il importe de rendre à l'analyse d'image la priorité qu'elle connaissait dans les années 50-60, que ce soit dans une optique de lecture ou d' « écriture ». Les biais du discours et leur incidence sur les représentations psychosociales des émetteurs et/ou des récepteurs doivent figurer dans les apprentissages de base. Mais il nous semble aussi que l'information, dans sa nature, ses fonctions et ses pratiques, devrait focaliser l'attention de tout formateur, car un information de qualité devrait être au centre de tout processus décisionnel et de toute gestion de la Cité.
La crise sanitaire et économique que nous traversons actuellement nous fait prendre conscience quotidiennement de l'importance essentielle d'une information de qualité, passage obligé vers le savoir et l'action. Cette information doit être fiable, indépendante et pertinente. C'est-à-dire qu'on est ici très loin du tweet imbécile de certains, des communiqués triomphalistes d'autres, des rumeurs et « fake news » de la presse à sensation, très loin aussi d'une infobésité qui contribue la plupart du temps à « noyer » la vraie information. Et, pour rappel, s'informer n'est pas simplement synonyme de se tenir au courant ... On conçoit d'ailleurs aisément que pour le monde politique, les voies sont étroites qui mènent à une information responsable et respectueuse des citoyens.
La fiabilité de l'information implique que celle-ci est sourcée, recoupée, scientifiquement validée, mais aussi claire et factuelle. Son indépendance exige évidemment qu'elle échappe à toute contrainte, à toute manipulation volontaire ou non, qu'elle soit libre de tout « modèle », politique, économique, convictionnel ou autre, et qu'elle échappe aussi à ce « copier-coller » qui envahit de nos jours la presse d'info. Quant à la pertinence, elle est tout aussi importante, car elle doit viser à une hiérarchisation de l'info, rejetant tout sensationnalisme, tout populisme, tout manque de courage et d'engagement.
Une telle information de qualité s'apprend et se mérite. Nos voisins français l'ont compris, eux qui désormais ont opté pour une éducation aux médias et à l'information (EMI). Et cet apprentissage concerne bien, rappelons-le, tant le récepteur que l'émetteur.
Nous pensons qu'à lui seul, il pourrait irriguer, redynamiser de nombreuses pratiques d'EAM. Il nous paraît cependant tout aussi important que cet apprentissage d'une information de qualité soit, à son tour, encadré par les dimensions techniques et surtout sociales que postulent les compétences en éducation aux médias.
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Ce partage d'une info de qualité, visant à construire et diffuser un savoir critique et citoyen, rejoint notre projet de « Pôle liégeois d'éducation aux médias et à l'information ».
Michel Clarembeaux
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Ouvrages récents
Une initiation à l'information, à destination des adolescents, s'impose parmi les ouvrages qui viennent nourrir notre « Pôle liégeois d'éducation aux médias et à l'information ». Le livre de Sophie Eustache, dont vous trouverez ici l'abstract, est présenté en détail sur notre site. Pour les analyses complètes, cliquez sur le titre de l'ouvrage ci-dessous.
« Comment s'informer »- Sophie Eustache
Ce n'est pas un hasard si nous voulons accorder une priorité à cet ouvrage de la journaliste Sophie Eustache. Il s'agit d'un ouvrage d'initiation à l'information pour un public d'adolescents. Recherche d'information, certes, mais surtout, analyse de l'information, mise en perspective et prise de recul critique. Car c'est bien ici que se trouve l'objectif premier de l'auteure. Comment faire le tri d'une info désormais pléthorique et quel crédit lui porter ? C'est dire qu'on n'hésitera pas à évoquer les pressions des actionnaires, du monde politique, les pièges à éviter, les modèles économiques et leur degré d'indépendance pour les journalistes, « la circulation circulaire de l'info », la concurrence numérique ou le « copier-coller », l'automatisation de l'écriture, la vitrine que devient le fact-checking, etc ... On devine que l'on se trouve très vite au cœur du problème. Par ailleurs, les illustrations, titrailles et graphisme sont à la hauteur de l'entreprise.
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M. Cl.
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Annulation Concours Vidéo 2020
Rappelons ici que, compte tenu de la crise sanitaire, nous avons préféré annuler la 15ème édition de notre Concours Vidéo. Il va de soi que les concurrents qui le souhaitent pourront réinscrire leur projet à la 16ème édition (2020-2021).
M. Cl.
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