|
Il importe aussi de renforcer les moyens attribués au Conseil. Ce renforcement humain et budgétaire est actuellement en cours de réalisation.
Un autre point reste à négocier dans les meilleurs délais : l'actualisation des moyens octroyés aux partenaires du Conseil et aux programmes dans lesquels ils sont impliqués, c'est-à-dire prioritairement les centres de ressources et des opérations comme « OMQ » numérique, « Journalistes en Classe », « Ecran large sur tableau noir », etc.
Enfin, il y a toute la problématique de la formation initiale des enseignants, et de la place que devrait y occuper l'EAM, avec un maximum de transparence quant à l'intitulé du cours de didactique qui lui est réservé. Même si la restructuration de la formation initiale n'est pas pour demain, sans ce substrat incontournable, le travail effectué dans les modules de formation continuée est voué à rester bien fragile.
Voici les principaux enjeux servant de toile de fond aux interactions qui s'en sont suivies. Mais avant d'aborder le débat, les trois ministres ont clairement ré-affirmé leur volonté d'un travail en concertation, en décloisonnement. Ainsi, Bénédicte Linard évoque l'urgence de l'EAM pour faire face au populisme dans les médias ; il faut « aller plus loin dans les usages réceptifs et productifs » actuels, tout en visant également un élargissement des publics, en pensant notamment aux parents et aux encadrants et en étant bien conscient que la rapidité de l'évolution technologique nécessite de ré-inventer constamment l'apprentissage de l'esprit critique en le confrontant aux nouvelles pratiques. Caroline Désir, de son côté, souligne aussi cette nécessité en disant que c'est tout citoyen qui doit être au centre d'un tel apprentissage. Et Valérie Glatigny de renchérir en insistant sur la nécessité de former tout au long de la vie en faisant appel à tous les canaux possibles, de la promotion sociale à l'éducation permanente.
On est bien sur la même longueur d'onde, on se trouve bien au centre d'un projet fédérateur qui doit être activé dans les meilleurs délais. Les interactions débutent sur l'expression d'une inquiétude, que nous avons d'ailleurs partagée en groupe de travail : l'EAM n'est guère présente comme telle dans les référentiels auxquels nous avons eu accès et, par voie de conséquence, elle risque d'être moins présente encore dans les programmes qui en seront issus. Il nous paraît, en effet, essentiel de bien identifier le potentiel critique, analytique, expressif et démocratique de l'EAM, ne serait-ce que pour pouvoir le différencier du tout numérique, de l'éducation au numérique, et, a fortiori, par le numérique. Certes, il y a bien les médias numériques, mais il y a aussi les autres, tous les autres...
On ré-interroge aussi les concepts, les objectifs, les dérives, les compétences à redynamiser. Ainsi nous avons bien aimé cette proposition de Pierre Fastrez (UCL) de ne pas se limiter à positionner l'EAM uniquement comme remède à des dangers qui s'appellent cyberharcèlement, désinformation, addiction aux jeux vidéo, etc. mais de l'assimiler à des projets positifs, qui impliqueraient, par exemple, travail collaboratif, créativité, épanouissement individuel et collectif, etc. Soit une attitude qui conduirait certainement à l'émergence de nouveaux projets qu pourraient ré-enchanter l'EAM...
Nous sommes intervenu en déplaçant le débat vers les opérateurs de l'EAM et leurs partenaires et nous avons forcément évoqué les premiers concernés, à savoir : les centres de ressources en EAM.
Depuis leur installation en 1995, à l'époque du CEM de Robert Wangermée, leur dotation n'a jamais été indexée, elle a donc pratiquement perdu 50% de sa valeur d'alors. Et, une fois le salaire de notre chargé(e) de mission remboursé, il nous reste une peau de chagrin de quelques euros. Il est, dès lors, difficile de se consacrer sereinement à des projets innovants susceptibles de ré-inventer ou de ré-enchanter nos pratiques de formation ou d'animation…
Et cependant, les trois centres de ressources œuvrent quotidiennement à l'opérationnalisation des décisions et orientations prises au CSEM et dans ses G.T. Ils sont tantôt acteurs dans les formations continuées – pour le CECP, CPEONS, IFC, CECAFOC, dans l'associatif – ou dans les animations de classes, maisons de jeunes et autres institutions. Tantôt, ils sont les témoins de première ligne des pratiques du terrain et peuvent mieux que quiconque se réjouir des réussites, mais aussi mesurer les interprétations biaisées de certains concepts de l'EAM, l'une ou l'autre dérive techniciste ou confusion, parfois aussi le manque de questionnement sur des opportunités à découvrir et à exploiter. Ils devraient, mieux que tout autre, parce qu'en prise directe avec la réalité, pouvoir évaluer la pertinence, l'originalité, l'intégration, de l'EAM, que ce soit dans les activités transversales ou disciplinaires.
Mais, nous répond-t-on, il y a les contraintes budgétaires que l'on sait. Soit, néanmoins, si les enjeux sont aussi importants que chacun le déclare – et ils le sont bien évidemment – nous sommes persuadé que ces contraintes doivent pouvoir s'assouplir, se négocier, pour ne pas venir entraver un véritable projet de société comme celui véhiculé par l'éducation aux médias.
Michel Clarembeaux. Retour au sommaire
|
|